La créatine, le premier complément des sports de force et du bodybuilding Partie I

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Créatine en poudre
La créatine n’est pas un supplément miracle mais elle tient ses promesses, à l’opposé de nombreuses autres formules !

Comme le savent tous ceux qui un jour ont levé des haltères et quelques barres avec assiduité, la créatine monohydrate n’est pas un complément alimentaire qui vous transformera en monstre de masse du jour au lendemain. Cependant, un nombre impressionnant d’études cliniques ne cessent de prouver son efficacité sur la performance physique des sports de force mais pas que !

En réalité, je n’aurais pas la place de développer ici le « mais pas que ! », disons que je préfère plutôt me concentrer sur l’essentiel dans cet article. A vrai dire, il est probable que 90% des pratiquants de la musculation ne savent pas vraiment comment fonctionne la créatine au niveau cellulaire, seulement qu’elle les aide à effectuer les deux ou trois répétitions qui les aideront à prendre de la masse et de la force. Je vais donc, brièvement, vous rappeler les quelques principes qui se cachent derrière la magie de la créatine.

La créatine, qu’est-ce que c’est exactement et quel est son rôle ?

Créatine monohydrate en poudre
La créatine, le meilleur moyen d’améliorer vos performances sur la filière anaérobique alactique…

La créatine (et la phosphocréatine ou créatine phosphate pour être exact) est une molécule générée par votre organisme qui en contient au total une bonne centaine de grammes environ. Cette quantité varie légèrement selon votre poids de corps. Elle est synthétisée à partir de trois acides aminés, la Glycine, la L-Arginine et la L-Méthionine. La majorité des réserves de cette molécule ergogène est stockée dans les muscles (environ 95%) sous la forme de créatine phosphate en majorité et de créatine libre ensuite. Elle a pour rôle de libérer un phosphate en le cédant à l’Adénosine diphosphate (ADP) puisque l’ATP cèdera un des siens pour libérer de l’énergie. En libérant un phosphate, l’ADP retrouve sa forme initiale d’ATP et peut à nouveau faire de l’énergie. Ce mécanisme de phosphorylation (ou phosphatation pour les puristes) est généralement qualifié de « Turnover de l’ATP » par les biochimistes.

Donc, l’ATP permet d’agir rapidement en cas de demande spontanée d’énergie comme c’est souvent le cas pour les sports explosifs comme l’haltérophilie, la force athlétique et la musculation par exemple. Malheureusement, l’ATP ne permet de céder ses phosphates que sur les premières secondes de l’exercice avant que le glucose n’intervienne comme substrat énergétique pour refaire de l’ATP avec le cycle de Krebs ou plus loin (avec un rendement plus élevée) au niveau des mitochondries. Pendant ce cours moment des premières secondes d’exercice, la créatine phosphate ira donc apporter une aide précieuse à vos cellules musculaires. Avec une supplémentation, cette aide se traduira généralement dans les faits par un gain de quelques répétitions avec une augmentation de la force et de la puissance musculaire développée.

Ajoutons que pendant ces premières 10 à 15 secondes de libération d’énergie sans oxygène (filière anaérobique ET alactique) le turnover de l’ATP avec la créatine phosphate et l’utilisation du glucose vont se croiser – fort heureusement pour nous d’ailleurs ! Les réserves de phosphocréatine diminuent alors que l’utilisation des glucides va augmenter pour permettre une fabrication nouvelle d’ATP. Cependant, ce mécanisme bien huilé serait inopérante pour le couple phosphocréatine > ATP si un mécanisme appelé phosphorylation ne pouvait intervenir.

La phosphorylation de la créatine

Interaction ATP et phosphocréatineLe mécanisme d’échange des phosphates entre la phosphocréatine et l’ATP est permis par un mécanisme nommé phosphorylation. Cependant, parler de phosphorylation fait référence à un processus biochimique assez général puisqu’il s’agit d’un processus biochimique cellulaire parmi d’autres (glycolisation, hydroxylation, acétylation…)  Les plus puristes d’entre nous parleront dont plus précisément de phosphatation en ce qui concerne la créatine. Toujours est-il que la phosphorylation de la créatine nécessite l’action d’une enzyme appelée Créatine Kinase (ou CK) qui elle-même peut-être différenciée selon les tissus où elle se trouve (nommées isoenzymes en médecine) mais revenons au niveau des cellules musculaires. La créatine Kinase fait donc partie des nombreuses enzymes de la famille des kinases (protéines). Le taux de CK fait d’ailleurs partie de certaines analyses permettant de mettre à jour certaines pathologies cardiaques ou cancéreuses. Si par exemple, votre taux de CK-MB est anormalement élevé, il y a des chances que votre cardiologue vous invite à prendre rendez-vous dans son cabinet assez rapidement dans le meilleur des cas… (dans le pire des cas, on appelle cela un infarctus du myocarde).

La phosphorylation est un processus indispensable au turnover ADP <>ATP

Phosphocréatine
La phosphocréatine, une molécule, sans laquelle il n’y aurait pas de sport de force…

Le mécanisme de la phosphorylation permet donc une modification de nombreuses protéines au cours de la vie des cellules (division, prolifération, différenciation, apoptose…). A ce niveau, la phosphorylation intervient sur les protéines au niveau de ce que l’on appelle la traduction post-traductionnelle. Retenez tout simplement que la phosphorylation permet des modifications de structure des protéines, inutile d’aller plus loin. Quant à la Créatine Kinase, elle interviendra en premier lieu pour catalyser la conversion de la créatine en phosphocréatine. Ceci implique la conversion de l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine diphosphate (ADP). Comprenez que l’ATP cède un phosphate pour enrichir la créatine avec un phosphate supplémentaire. Cette première réaction a généralement lieu lorsque les muscles sont en repos. Elle explique aussi pourquoi on retrouve plus de 70% de phosphocréatine et seulement 30% de créatine libre au niveau cellulaire. Donc, si vous avez suivi, vous avez compris que la Créatine Kinase permet un échange de phosphate qui jouera en faveur de la libération de molécules riches en phosphate comme la phosphocréatine. Cependant, soyez sans crainte, l’ADP retrouvera rapidement sa forme active d’ATP au niveau des mitochondries, permettant de revenir à l’équilibre.

Les exercices de force explosive entraînent un déséquilibre au profit de l’ADP avec l’utilisation rapide des phosphates pour l’énergie musculaire

Dans vos fibres musculaires elle-mêmes, au tout début de l’exercice, la perte de phosphates et la libération d’énergie va donc nécessairement augmenter la concentration d’ADP de manière très rapide. En parallèle, la concentration en ATP va chuter. L’équilibre de la réaction est par conséquent déplacé. La Créatine Kinase ira donc catalyser la réaction opposée.  C’est là que la phosphorylation permettra le transfert du radical phosphoryle de la phosphocréatine vers l’ADP pour une conversion rapide en ATP. L’adénosine Triphosphate est alors régénéré (accessoirement, vous comprenez aussi pourquoi je vous ai bassiné avec la phosphorylation).

Naturellement, la phosphocréatine, par le biais de l’ATP, constitue une réserve d’énergie utilisable rapidement par vos petits muscles et le système nerveux. Comme vous le savez pour l’instant, le stock de phosphocréatine ne permet en théorie, le recyclage de l’ATP que sur une très courte période de temps. D’autres moyens de production de l’énergie comme la dégradation du glucose en lactates pour le métabolisme anaérobique lactique puis la respiration cellulaire (métabolisme aérobie) prendra le relais et enfin, la phosphorylation oxydative au niveau des mitochondries pour poursuivre la libération de l’ATP. Toujours est-il que l’on pensait jusqu’ici détenir un schéma correct de la production cellulaire (voir ci-dessous) mais de nouvelles recherches viennent de remettre la phosphocréatine sur le devant de la scène…

Energie cellulaire anaérobie aérobie ATP phosphocréatine lactate
Il va falloir réviser ce schéma que l’on croyait pourtant exact…

 

Un article très intéressant de Claire Thomas-Junius, Maitre de Conférences et HDR à l’Université d’Evry Val d’essonne et chercheur à l’INSEP au Laboratoire de Biomécanique et de Physiologie de Paris élargit nos connaissances sur la phosphocréatine. En effet, si nous connaissons désormais assez bien ce schéma nommé courbe d’Howald, nous savons depuis les années 2000 qu’il est partiellement inexact ou du moins, devenu obsolète. Ajoutons que le bon sens nous permettrait de penser qu’un processus aussi finement élaboré que celui de la phosphocréatine nous paraitra peut-être quelque peu futile s’il ne dure que 7 secondes; la nature ne faisant généralement pas les choses à moitié. La recherche scientifique vient ici confirmer l’intuition d’Eric Mallet.

La phosphocréatine est recyclée sur bien plus de 7 secondes

Une étude réalisée en 2003 (Zoll et al.) nous informe que le VO2 augmente progressivement dès le début de l’activité physique avant d’atteindre un plateau lorsque l’intensité d’exercice est modérée. Le VO2 augmentera encore en fonction de l’augmentation de l’intensité de l’exercice.  Cela, nous le savions déjà. Par contre, ce que nous ne savions pas encore concerne le taux de phosphocréatine qui a été mesuré. Avec surprise, les chercheurs ont constaté que celle-ci se maintenait de manière stable pendant plusieurs minutes. L’intensité d’exercice augmente en parallèle avec la consommation d’oxygène et la dégradation de la créatine phosphate augmente elle aussi, c’est classique. Ce qui l’est moins, c’est que lorsque le VO2 atteint une certaine stabilité durant l’exercice en fonction des besoins et des apports en O2, la phosphocréatine reste stable elle aussi. C’est étonnant mais le Pr. Thomas-Junius nous en explique le mécanisme en ces termes – Je la cite: « Pendant les contractions musculaires, la phosphocréatine(PCr) est dégradée pour former de l’ATP(2) nécessaire au niveau des protéines contractiles (PCr + ADP ó Cr + ATP). La créatine libérée au niveau des protéines contractiles diffuse alors jusqu’aux mitochondries des cellules musculaires qui consomment de l’oxygène et produisent de l’ATP par la respiration mitochondriale. La créatine stimule donc cette production d’ATP, permettant ainsi la réaction en sens inverse (Cr + ATP ó PCr + ADP). L’ATP nouvellement formé par les mitochondries est ainsi aussitôt associé à la créatine pour reformer de la phosphocréatine, qui va en retour diffuser jusqu’aux protéines contractiles et permettre la reconstitution des stocks de phosphocréatine. » Autrement dit, la production aérobie d’ATP va permettre une régénération de la phosphocréatine au niveau des protéines contractiles durant toute la durée de l’exercice. En conséquence, l’utilisation de la créatine phosphate perdure durant toute la durée de l’exercice avec le soutien du métabolisme aérobie. Étonnant non ? Cela m’étonne mais en même temps, je trouve cela plus logique sur le plan de l’équilibre énergétique.

De là, nous pourrions en tirer d’autres conclusions, notamment en ce qui concerne les rapports entre les filières aérobie/anaérobie, etc. A ce sujet, je vous invite à lire l’article de Claire Thomas-Junius, il suffit de cliquer sur le lien donné ci-dessus. Pour l’instant, j’en reste là car je me suis déjà bien étalé sur le sujet, un peu plus que je ne le pensais au départ. Toujours est-il que je vous retrouve sur Fitness Nations dans deux semaines pour la seconde partie de cet article où je reviendrais sur des questions plus simples concernant l’usage de la créatine, ses effets, etc. J’aurais également l’occasion de vous retrouver sur Espace Corps Esprit Forme pour vous parler de la taurine et sur Fitness Mag pour vous bassiner encore un peu plus avec l’oxyde nitrique.

D’ici là, et où que vous soyez (dans le train, sous la douche, en avion, en plein footing ou pendant votre entraînement de musculation…), n’oubliez pas de développer votre culture physique !

Eric Mallet

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