Volume, intensité et programme d’entraînement

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Comme le titre de l’article le laisse entendre, il s’agit de faire le point sur les bases de notre sport et de rappeler quelques évidences aux débutants mais peut-être aussi à ceux qui ne s’étaient pas forcément interrogés sur ces quelques principes. Naturellement, les choses les plus évidentes ne sont pas toujours celles qui nous viennent systématiquement en premier à l’esprit, il faut donc parfois savoir les rappeler. C’est généralement le rôle des chercheurs et des enseignants. Concernant la musculation, le volume et l’intensité de vos exercices seront les deux clés de votre entraînement.

Au cours de cet article, je vous proposerais donc de revenir sur les bases du bodybuilding, de traiter du volume d’entraînement, de l’intensité des exercices et de vous donner mon avis personnel sur l’intérêt de baser un entraînement de musculation sur les muscles agonistes (de travailler les muscles qui poussent avec les muscles qui poussent et les muscles qui tirent avec les muscles qui tirent) et non pas sur les groupes musculaires antagonistes. Nous y reviendrons mais le premier point de cet article consiste à vous parler du volume d’exercices de vos entraînements.

Muscles et système nerveux sont intimement liés, c’est le système neuromusculaire

Force athlétique
La force athlétique, un sport de résistance où l’adaptation neuromusculaire est axée sur le développement de la puissance musculaire

Première chose à rappeler, gardez à l’esprit qu’il n’existe pas de muscles indépendants, c’est à dire que chacun de vos muscles est intimement relié au système nerveux, que la contraction soit volontaire ou involontaire, en fonction des branches respectives du système nerveux (sympathique ou parasympathique). Ensuite, on croise parfois des gars sympathiques et d’autres qui s’avèrent finalement antipathiques mais là, c’est encore autre chose… Votre système neuromusculaire permet le mouvement des muscles du corps et le contrôle de ces mouvements. Ensuite, en fonction de l’activité physique que vous pratiquez, le système neuromusculaire va progressivement s’adapter d’une manière ou d’une autre.

Sports d’endurance ou de résistance, l’adaptation neuromusculaire sera évidemment très différente. Concernant les sports de force, cette adaptation progressive de vos muscles liés au système nerveux inclura un élément spécifique et quasiment absent pour la plupart des sports d’endurance, il s’agit de l’hypertrophie myofibrillaire (des sarcomères et du sarcoplasme). Dans ce cadre, l’efficacité de votre entraînement de musculation va dépendre des deux principaux facteurs permettant l’augmentation de cette hypertrophie des fibres: le volume et l’intensité des exercices réalisés en salle de musculation.

Indirectement, le développement de la force et de l’hyperémie (ou congestion musculaire) permettront cette hypertrophie, naturellement considérée comme une adaptation neuromusculaire en relation aux résistances appliquées sur vos muscles. Pour vous donner une image simple, c’est grâce à au système nerveux que votre masse musculaire et vos organes (système cardiovasculaire) s’adaptent de la même manière à un stimuli qui passe par une manipulation de charges lourdes qu’à une augmentation de la gravité (si cela était réellement possible ou si vous avez vu Dragon Ball Z…).

Sur quels critères déterminer le volume d’exercices d’un entraînement de musculation ?

Arnold Classic Europe Men's Physique champion 2017
N’espérez pas obtenir un tel résultat si vous ne maitrisez pas les notions de volume et d’intensité musculaires !

Ne vous y trompez pas, savoir déterminer correctement le volume d’exercices de vos entraînements sera tout aussi complexe que d’en augmenter l’intensité. Un volume d’entraînement trop élevé épuisera sans doute vos muscles mais aussi votre système nerveux central, sans stimuler l’hypertrophie à un degré plus élevé qu’en adoptant un volume d’exercices optimal. A l’opposé, un volume trop faible sera synonyme d’entretien musculaire ou peut-être d’endurance mais certainement pas d’hypertrophie des fibres musculaires. Nous sommes donc bien ici dans le contexte de la musculation, on ne parle pas d’entretien ou d’endurance musculaire mais bien de prise de muscle. Dans ce cadre, la question du volume d’entraînement fera naturellement partie des premiers critères à considérer, à condition que vous sachiez exécuter correctement vos exercices.

Débuter la musculation avec un volume d’entraînement suffisant repose d’abord sur du bon sens car votre système nerveux ne sera pas à même de supporter un nombre important d’exercices dès les premières semaines de musculation. C’est un critère d’autant plus important que vous êtes en phase d’apprentissage. Il n’est donc pas rare de développer un bon programme qui se base d’abord sur 2 exercices seulement. Par exemple, j’ai commencé la musculation il y a de cela plus de 26 ans avec un programme d’entraînement proposé par Marc Devooght, à l’époque champion du monde WABBA. Pour les jambes, je réalisais mes trois séries d’extension de jambes et mes squats libres, donc, SANS charges ! En toute logique, les squats libres m’ont permis d’apprendre le mouvement et d’en comprendre la cinétique, avec les muscles engagés. Le principe était le même pour les autres groupes musculaires. Pour le dos, je réalisais mes tirages barre poulie haute et mes rowing machine. Pour mes petits bras, biceps curl et curls barre, extension triceps poulie et push down barre coudée.

Un volume d’exercices insuffisant ne stimule pas la croissance musculaire, un volume trop élevé vous épuise

Haltères et musculation
Un volume d’entraînement trop faible est une perte de temps; un volume trop élevé vous épuise et sera tout aussi inefficace…

Conseils de bon sens, un volume d’exercices peu élevé dès le départ d’un entraînement de musculation vous permettra d’apprendre chaque mouvement de manière correcte, ce qui vous aidera à mieux progresser par la suite. Si vous pensez que de réaliser 3 ou 4 exercices différents sans les mémoriser et les appliquer correctement sur le plan fonctionnel, il est fort probable que vous ne resterez pas longtemps parmi nous. Commencez par vous familiariser avec les exercices de base de la musculation (qu’il s’agisse d’isolation ou de mouvements polyarticulaires) avant de chercher à aller trop loin en vous précipitant sur n’importe quelle machine.

Résultat, au bout de 6 mois, j’avais déjà réalisé des dizaines de curls, de tirages poulie ou de rowing et je connaissais mes exercices. Cela pourrait sans doute vous paraitre peu mais les bases du bodybuilding pour les freluquets et avortons de tous poils passent nécessairement par cette phase d’apprentissage. De là, j’étais prêt à ajouter un exercice à mon programme d’entraînement. En effet, 3 exercices par groupes musculaires, lorsqu’ils sont bien exécutés, permettent d’obtenir une stimulation optimale de vos groupes musculaires tout en permettant une hyperémie importante, avec une augmentation sensible de la force et de la masse musculaire.

Marco avait tout prévu depuis le commencement. Il nous avait donné de grandes fiches en carton où nous notions nos exercices en y inscrivant le nombre de répétitions par série. Ainsi, nous savions estimer notre progression d’une semaine à l’autre. Puis, avec le temps, j’ai encore monté une marche vers les cimes en ajoutant un quatrième exercice à mon programme d’entraînement. Aujourd’hui, après plus de 20 ans, j’en reste à quatre exercices au maximum, plus souvent trois, tout en allant chercher la congestion et l’intensité.

L’intensité d’un exercice, qu’est-ce que cela représente ?

Dropsets, supersets, Giant set, répétitions négatives et Temps sous Tension sont des techniques d’intensification efficace du stress musculaire

A vrai dire, l’intensité est une notion simple à définir en bodybuilding. L’intensité est déterminé par le volume d’exercice sur le temps de travail. Autrement dit, au plus vous serez capable de réaliser un grand nombre de répétitions sur le temps le plus court possible, au plus vos exercices seront intenses. Conséquence logique d’une augmentation de l’intensité d’exercice, la stimulation neuromusculaire sera plus forte. Les frères Weider ont d’ailleurs été parmi les premiers à développer des techniques d’intensité des exercices de musculation. Ils ont alors inventé les séries dégressives ou progressives (séries pyramidales) ainsi que les supersets et les dropsets.

Au cours d’une série pyramidale, vous allez par exemple réaliser 8 répétitions de développé couché avec une certaine charge, puis vous allez immédiatement augmenter la charge pour poursuivre votre série jusqu’à la rupture et donc, sans prendre de temps de repos. Les séries pyramidales dégressives reposent sur le principe opposé. Vous partirez d’une charge plus élevée pour retirer une partie de la charge et poursuivre ensuite votre série. Les séries pyramidales dégressives ressemblent de près au dropset. Le dropset est également une série dégressive mais réalisée avec des haltères. Par exemple, vous réalisez des curls biceps avec des haltères de 14 kilos, puis vous lâchez vos haltères et vous prenez des haltères de 12 kilos pour poursuivre votre série. Si vous savez encore prendre plus léger (sur le plan physiologique, vous le pouvez car il est impossible d’épuiser toutes vos fibres), vous poursuivrez votre série avec des haltères de 10 kilos. On appelle cette technique un triset ou giant set.

Je vous donne ici un truc… Si vous raisonnez en biochimiste, au lieu de poursuivre votre série immédiatement, vous prendrez une toute petite minute de repos afin de laisser juste assez de temps à vos muscles pour refaire une partie de l’ATP mais surtout de la phosphocréatine qu’il vient d’épuiser. Puis, vous reprendrez votre série. Notez qu’une vingtaine de secondes de récupération vous permettra de refaire environ 80% de vos réserves de phosphocréatine (Harris 1976). Les 20% restant pouvant demander jusqu’à 5 minutes dans le cadre d’un exercice à très haute intensité (Ibid.)

Le superset est efficace grâce à une fonction neuromusculaire bien connue, la proprioception

Proprioception et activation neuromusculaire
La proprioception expliquerait en partie l’efficacité des supersets (image shadesofyoga.com)

Le superset est une technique différente. Il s’agit par exemple de réaliser une série de curls biceps puis de push down triceps afin d’augmenter l’efficacité des curls avec les exercices de triceps. Cette affirmation pourrait vous sembler étrange mais elle repose sur un principe de la neurologie appelée proprioception. Cette notion (que les frères Weider connaissaient peut-être) se base sur les influx nerveux et la perception consciente des muscles en travail.

Lorsque vous réalisez vos curls, les messages nerveux provenant de la gaine, des enveloppes musculaires et des tendons vous informent consciemment du travail mécanique et physiologique de vos muscles. En outre, il existe ce que l’on appelle une sensibilité proprioréceptive inconsciente qui passe par le cervelet, là où les influx neuromusculaires vont aboutir. En résultat, le cervelet va exercer une régulation de la coordination des mouvements, du tonus musculaire et de l’équilibre. Lorsque vous passerez à votre exercice de triceps, les influx neuromusculaires vont donc circuler comme s’ils pouvaient se renforcer l’un l’autre. Ce mécanisme un peu complexe de neurologie expliquerait théoriquement l’efficacité des exercices pratiqués en superset. Pour ma part, j’utiliserais plutôt les supersets pour mes petits bras que pour mes pectoraux/dorsaux où je n’ai jamais obtenu aucun résultat. Des supersets quadriceps/ischio-jambiers sont également très efficaces (leg extension/leg curls).

Comme vous l’avez compris, la proprioception est une faculté neurologique qui permet non seulement d’accentuer la coordination motrice et le dynamisme musculaire mais aussi de mieux stimuler l’hypertrophie puisque si vous accentuez les influx neveux et leur réponses, vous augmenterez naturellement l’intensité du travail neuromusculaire et donc, de la croissance elle-même; du moins en théorie.

Francis Benfatto Temps sous tension
Francis Benfatto, champion français de bodybuilding et inventeur de la PPM, une méthode qui tient compte du Temps sous Tension

Dernier point en ce qui concerne l’intensité d’exercice, ce que l’on appelle les séries négatives ou l’augmentation du temps sous tension fonctionnent sur un schéma inverse; c’est à dire qu’il s’agit ici d’augmenter le temps de travail des muscles afin d’augmenter la tension et le stress portés sur vos fibres musculaires. Au cours d’une série « négative », vous allez augmenter le temps de décontraction musculaire, soit le temps qu’il vous faut pour que le muscle contracté reviennent à sa position initiale.

La technique du temps sous tension (TST) est encore plus difficile à réaliser puisqu’il s’agit d’augmenter le temps de travail en contraction et en décontraction musculaire (phase positive et négative). Attention cependant à ne pas utiliser ces techniques si vous n’avez pas suffisamment d’années d’expérience du bodybuilding car ces techniques sont particulièrement épuisantes pour le système nerveux. Le temps de récupération demandé par ces deux techniques d’intensité est vraiment très long mais extrêmement efficace sur l’hypertrophie et la prise de force.

Comment établir votre programme d’entraînement en fonction de vos groupes musculaires ?

Dernier point que j’aborderai dans cet article, pourquoi établir un programme d’entraînement avec les muscles agonistes plutôt qu’avec les antagonistes ? Pourquoi réaliser un entraînement pectoraux/triceps plutôt que pectoraux/biceps ? Tout simplement parce que le fait de travailler vos pectoraux vous permet déjà d’échauffer vos triceps et qu’il vous sera ensuite plus facile de poursuivre la stimulation des triceps. Si vous partez du principe inverse en pensant que vous y aurez gagné quelque chose en supposant que vous aurez suffisamment stimulé vos triceps avec un entraînement de pectoraux, vous vous trompez lourdement (sans jeux de mots).

Un entraînement des pectoraux ne vous permettra pas de stimuler suffisamment vos triceps de manière à en obtenir une hypertrophie ni une force maximale. C’est là tout le principe de la musculation, celui de travailler vos groupes musculaires séparément. Dans le cas inverse, contentez-vous de travailler vos mouvements polyarticulaires mais ici, il s’agira plutôt de travailler la force et la puissance musculaire en vous éloignant du premier principe du bodybuilding, celui de construire et d’hypertrophier l’ensemble des groupes musculaires dans le respect de la symétrie corporelle.

Entraîner les groupes musculaires agonistes vous permet d’additionner et de localiser le stress musculaire sur chaque muscle travaillé où 1 + 1 = 3

Notez par exemple que les tractions poulie haute à la barre pour le dos vous permettent aussi de travailler le chef long de vos biceps alors que les curls les travailleront moins. En travaillant les muscles antagonistes, vous perdrez cet avantage. Pour les cuisses, par contre, rien ne vous empêche de travailler les quadriceps et les ischio-jambiers sur la même séance, voire de travailler en supersets leg extension/leg curls comme nous en avions parlé plus haut. Dans la même optique, travailler vos triceps après les pectoraux ou les épaules vous donnera l’avantage d’avoir déjà entrainé en partie les trois chefs des triceps et donc, de profiter de ce travail partiel pour aller encore plus loin dans le stress musculaire qui stimulera l’hypertrophie des triceps. Si vous faites de la musculation, et plus encore si vous voulez bien vous placer en compétition, pensez que vous devez raisonner en termes de symétrie physique puisque la musculation tient compte de l’esthétique du corps. J’ai toujours pensé que d’établir un programme d’entraînement sur des groupes musculaires antagonistes relevait surtout d’une volonté inconsciente de vouloir en faire trop et trop vite. En musculation comme dans n’importe quel autre domaine, se précipiter vous éloignera des résultats que vous espériez obtenir.

Quant à moi, je vous retrouve dans 15 jours, mais d’ici là, n’oubliez d’adhérer au principe de Fitness Nations en faisant participer toutes les nations aux sports de force et de musculation…

Eric Mallet

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